>>> WRITINGS >>> TRAITÉ DE LA MORT QUE L'ON SE DONNE

 

>>> Traité de la mort que l’on se donne, ou lorsque je me suis offert ma mort

C’est un peu comme un cadeau, celui qui marque les transformations, lorsqu’on se ferme au travers d’un instant, un anniversaire: on grandit, on prend du poil. C’est aussi le chemin inverse que prend la balle ou la lame lorsque, l’espace d’un instant, elle me passe au travers et me déforme. Et je perds mes plumes.

C’est l’espace à l’envers, l’échange des ans. Lorsque l’étape est franchie et que j’emporte le souvenir du passage. Mon cadeau, c’est moi qui marche. La lame ou la balle, c’est elle qui passe. C’est moi l’étape et c’est elle qui emporte plus loin les souvenirs du trépas, soit moi comme présent. Et un jour ou l’autre, tout ça se croise, se choque, s’extirpe, s’expurge, s’expire, s’exhale, se râle et clac! tout est passé: la balle ou la lame, au travers; moi, autour; et la vie, à côté.

Cette petite géométrie funeste en resterait risible s’il n’y avait là une vérité fondamentale: la balle ou la lame, est mon anti-monde. Que je la rencontre et je m’annihile, boum! Sans hasard, c’est moi qui décide et qui décime.

Alors, voyons les choses dans l’ordre et qu’on en finisse. D’abord, le temps et ses avatars, que je transperce en emportant certaines bribes. Ensuite, la balle ou la lame. C’est moi qui la jette. Je ne la croise pas fortuitement, je me la jette sur moi et elle me transperce en emportant certaines bribes. Enfin le tout, c’est-à-dire un processus privé, personnel, que je mets en branle par ma volonté et qui n’a pour seul but que celui d’effectuer ma marche à rebrousse-temps-rebrousse-poil, sans moi, mais pour moi. Je ne m’arrête pas: je reviens à la case départ sous forme de balle ou de lame.

Allons, ce n’est pas si grave!

— 3 novembre 1996

 
 

© 1996 Thibaud Latour