Thibaud Latour

>>> Il est des mots

Il est des mots qui s’écrivent dans la fureur et qui se lisent avec horreur.

Il est des mots qui se mêlent en fracas, engendrent le tumulte lorsque, du trait de l’ombilic furieux ils éclatent à nos tripes.

Il est des mots que l’on bâcle et renâcle à proférer non par la crainte de profaner mais par l’exacte et impénétrable certitude de n’être pas assez mals pour décimer nos émois.

Il est des mots morbides et funestes que l’on préfère décocher qu’embaumer.

Je suis atteint d’un mal qui taraude mes entrailles capitales et, pour que fuie cette maraude gangrène aux pustules formidables, faut-il que ces scléroses verbales s’en décrochent en pestes plaques et que sourde le jus amer de mon écœurement.

Ces mots, je vous les vomis ici dès maintenant, moi qui vous abhorre et pourtant vous contemple attendri, apaisé peut-être par ce que vous ne pouvez entendre de mon râle.

— 6 août 1996