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Les mers et les cieux s’en prirent, dans leurs premiers sursauts, aux funestes conséquences de sa sordide avancée. Mais l’éradication des effets n’engendre que rarement la chute des causes. Et c’est ainsi que le parcours précédait l’amoncellement des méfaits. Les volcans vomirent les ères nouvelles et la Terre gronda les prémices de cataclysmes redoutables. Mais les vicieuses menées progressaient et les semonces demeuraient inutiles.
La seconde procédure tenta d’en vaincre la source. Aucun n’y parvint: la mer s’épuisa, les terres s’asséchèrent, et les volcans s’éteignirent; les cieux se sont évaporés et la mort vaniteuse brûle encore en enfer. Les dieux avaient aussi depuis longtemps désertés face à l’opprobre impuissante des forces actives.
Les principes se trouvèrent bien seuls avec le fardeau qu’ils avaient engendré. Il n’en ont plus voulu.
Je ne fus pas du combat pour le conter dans ses misérables détails mais j’ai croisé l’homme au lendemain de la honte. Il avait échappé au contexte et n’était même plus animal. Il affichait peu d’amertume et semblait considérer les lieux qu’il hantait comme d’inutiles domaines à saccager. J’ai alors eu peine à plaindre ce gouffre livide et mauvais où se fracassent les équilibres émiettés qu’il ne reconnaît plus.
Homo sapiens! Ne te retourne pas, tu es à jamais inutile en cette univers. Tu es seul et sans sauvetage possible: tu ne peux même plus te comprendre que tu n’es qu’une erreur que la nature aurait dû se garder de commettre.
— 19 juin 1991 (il pleut, et c’est bien ainsi)
© 1991 Thibaud Latour