>>> WRITINGS >>> L'EAU CICULAIRE

 

>>> L’eau circulaire

D’abord, j’y mis le pied, ce ne fut rien qu’un court instant glacé. Ensuite, le claquement de l’impact éteint, ce fut la cheville, toute entière enlacée. L’avant de ma jambe droite glissa, tendue, opérant son intrusion. La courbure convexe de mon tibia et la réfraction changeante imposèrent ensemble une légère inclinaison au mouvement de mon corps. La jambe gauche que je tenais repliée comme si j’eus involontairement voulu retarder son entrée vint à son tour percuter le dioptre. Le choc fut bref et déjà un flux piquant envahit la pliure de mon genou. L’écoulement se fit naturellement, du haut vers le bas. Je me sentis happé un peu plus. Jusqu’à mon sexe. Il se tendit à la brisure des deux glissements jusque là harmonieux, puis vrilla et se stabilisa lorsque les tumultes s’équilibrèrent autour des mes hanches. J’avais déjà tendus les bras le long de mes flancs, résigné à la descente. Ainsi, le septum me pris sans autre tourment que la petite pression qui s’appliqua bientôt sur mon torse. Mon diaphragme sursauta et j’expirai sèchement, le cou déjà couvert, le cou sauvagement dilaté par le souffle que je tentais de contenir par réflexe. Mais la pression revenant en charge en retour du passage vertical de mes épaules me libéra de ces contraintes. Mon nez seul frémissait encore et mes cheveux se mirent à graviter vers le haut. Le bouillonnement cessa et seuls de minuscules rouleaux sourds rampaient sur mon corps.

Dedans comme dehors, l’univers se stabilisa et il ne resta rien que l’eau circulaire qui déjà se taisait. Chut! mon nom s’efface. J’arrive.

— 28 avril 1997

 
 

© 1997 Thibaud Latour