>>> WRITINGS >>> APHORISM(E)S

 

>>> 2017

— L'impossible, c'est ce qui n'a jamais été tenté.

>>> 2015

— La chance n'est pas plus qu'un hasard qui nous convient.

— Avec la révolution du tout internet, nous sombrons dans l’éphémère. Un éphémère tellement éphémère qu’il ne subsistera rien, qu’il n’adviendra rien, qu’il n’y a déjà plus rien que la vanité et la vacuité de l’instant qui prévaut. Nous entrons dans un no-man’s-land civilisationnel, une non-civilisation qui se trahira par une non-histoire que la postérité regardera avec un non-intérêt dédaigneux, comme une parenthèse dans la marche de l’humanité. Ce n’est pas si grave cependant, l’oubli n'inquiète que les morts.

— L’amour vrai survient quand on fut heureux d’avoir été ensemble aujourd’hui, que l’on espère fiévreusement se revoir demain, et que l’on n’attend rien du sur-lendemain.

— Aimer, c’est jouir d’aujourd’hui, espérer de demain, et ignorer le sur-lendemain.

— L’honnêteté ne paie pas puisqu’en définitive seul l’honnête paie.

— Moi, c’est eux! C’est par les yeux de chacun d’entre nous que notre singularité devient pépite.

— On passe notre existence à combattre l’entropie et pourtant toujours elle gagne.

— Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Mais maintenant que les voyants font loi, le borgne, c’est moi.

>>> 2014

— Je préfère avoir le pouvoir de créer que de devoir gérer mon pouvoir.

— Quand la passion du pouvoir dévore la passion de faire,
Les gestionnaires proposèrent,
Les meneurs sont éradiqués,
Les innovateurs exilés
Et les fossoyeurs ne sont plus loin désormais.

— A n’éclairer que ceux qui le flattent, le soleil terni n’éclaire plus que le dédain des céans.

— La vie est comme un père,
Celui qui jalonne nos arpents,
Certes bien plus lent,
Mais meilleur cependant
Qu’un père inexistant.

— Une parenthèse ne fait pas la phrase.

— Abandonner la gestion des affaires aux comptables n’a qu’un effet évident: rassurer les décideurs incompétents. Quant aux conséquences funestes, c’est précisément ce que les décideurs incompétents ne peuvent pas concevoir.

— C’est quand on a tout que le manque est le plus profond car on manque de tout le reste.

— Quand on n’a rien, on ne manque que de l’essentiel.
Mais quand on a déjà tout, c’est tout le reste qui manque.

>>> 2013

— La chance est une appréciation subjective que l’on donne aux conséquences du hasard.

— La fière nation: une immense majorité d’incultes, grossiers, paresseux et vaniteux qui doit tout à une minuscule élite ancienne dont les descendants se complaisent dans les certitudes des gloires passées et que le reste du peuple méprise.

— A choisir entre la peste et le choléra, mieux vaut le choléra. On en chie peut-être beaucoup mais on a de meilleures chances de survie.

— A l’entrée d’un bar gay.
– “Je dois montrer ma carte de membre?”
– “non, le membre suffira”.

— Je suis écologiste par conviction parce que je suis convaincu que l'on n’est pas éternellement forcé de choisir entre la peste et le choléra, entre l’ultra-libéralisme et le collectivisme.
– Je suis écologiste par raison parce que j’appréhende la société comme un système avec ses dynamiques complexes et les relations fondamentales qui unissent les objectifs individuels et les objectifs collectifs.
– Je suis écologiste par réalisme parce que j’observe que le système humain ne doit son existence qu’à son intégration dans un système planétaire global et néanmoins fini que nous devons préserver sous peine de suicide collectif.
– Je suis écologiste par idéologie parce que je refuse la fatalité du chaos ultra-libéral et du désespoir collectiviste, parce que je suis pour une éthique de l’équilibre entre solidarité collective et responsabilité individuelle, entre équité et justice, parce qu’il n’y a pas plus de loi du marché que de loi divine ou de planification parfaite, seulement les lois de la nature, en harmonie avec lesquelles nous devons construire nos civilisations.
– Je suis écologiste par optimisme parce que je crois en un avenir durable et heureux pour la plus grande masse possible de l’humanité.

>>> 2012

— Il faut contribuer à changer ce que l’on peut changer, et s’adapter à ce qu’on ne peut changer. Et non le contraire.

— Dans notre couple, nous sommes trois: toi, moi et l’amour qui nous unis. Manifestement, il y en a un de trop.

>>> 2011

— Le bonheur en amour, c’est quand le souvenir le plus lointain remonte au plaisir qu’on a eu la veille ensemble et quand le désir le plus fou consiste à se revoir le lendemain.

— Au petit jeu du “qui va à la chasse, perd sa place”,
Le plus chasseur est souvent le dindon de la farce.
Mais il ne faudrait pas que, de guerre lasse,
Marri par tant de sapes mesquines et basses,
Empli d’aigreur qu’il ressasse,
A la fin, il ne se casse,
Emportant dans sa besace
Le fruit entier de toute sa chasse,
Laissant les conquérants de la place,
Les combattants du sur-place,
Régner dans une impasse
Que la faim menace.

>>> 2010

— Combattre les démons de l’histoire pour les empêcher de renaître, ce n’est pas seulement combattre certaines idéologies désastreuses, mais c’est aussi connaître et combattre les mécanismes de détournement de la démocratie au profit exclusif de quelque idéologie dominante ou de quelque obsurantisme. Ne pas se préoccuper de ces derniers en nous acharnant sur les premières nous voue à d’éternels et sanglants recommencements.

>>> 2000

— Ce qui est fait est fait et ne peut être défait.

>>> 1998

— On ne peut pas justifier ses propres exactions sur base de celles que l’on a soi-même subi. (Retour de Palestine)

— On n’élude pas la critique des ses actes sous prétexte que l’on en a subi de plus odieux. (Retour de Palestine)

>>> 1997

— Tout est a priori toujours possible.

— Le plus déprimant dans l’impossible est de s’apercevoir être le seul à l’avoir tenté.

— La lâcheté est bonne protectrice de l’âme: on bêle en commun sur de paisibles évidences.

— La guerre est un paradoxe: elle laisse l’outrage aux céans quand les gisants s'en moquent et sont en paix. (Retour de Bosnie)

— Ces morts-là sont en paix. Ils nous disent ”merde“ en c’est bien fait. (Retour de Bosnie)

— Lorsque l’alphabet se réduit aux onze caractères 0-1-2-3-4-5-6-7-8-9-$, il est inévitable que le mot c-u-l-t-u-r-e ne puisse s’écrire.

>>> 1996

— J’ai enfin compris pourquoi les artistes épousent les artistes; les riches épousent les riches, les médiocres épousent les médiocres. En bref, pourquoi tout est normal. C’est à cause de l’amour: une force irrésistible qui, au-delà de la simple admiration, tend à la paire subtile. Et moi, j’aime l’amour et la normalité m’ennuie. Alors, j’admire et me laisser admirer; j’aime et ne suis point aimé. Et souvent, dans cet appariement, naît l’ordre impair où j’apparais. Mais maintenant, fini la poésie...

— Force est de constater que les bougnoules des uns ne sont pas les bougnoules des autres. On est toujours le bougnoule de quelqu’un. Alors, à force de se bougnouliser les uns les autres, naît le grand consensus des cons: éradiquer les bougnoules. Et quand tout le monde sera bien con, inévitablement, il n’y aura plus de bougnoules. Il n’y aura plus de con nous plus.

— Il faut d’abord rencontrer l’emmerdeuse et l’aimer, se faire emmerder.
Il faut ensuite rencontrer l’amoureuse et l’emmerder, se faire aimer.
Il faut enfin rencontrer l’aimante et l’aimer, sans s’emmerder.

>>> 1995

— On peut être une bête de scène ou un bête de science, mais on ne peut pas être à la fois une bête de tous les S du dictionnaire.

>>> 1993

— L’être est la condition minimale de la pensée.
Je pense, donc je suis.
Ou aussi: je ne pense pas donc je ne peux pas savoir si je suis.
Ne sachant pas si l’on est, peut-on savoir si l’on pense?
Mais si on ne sait si l’on pense, comment donc savoir si on pense savoir être? ou si on sait être? ou si on peut être?
Le puis-je?
Je pense,
Mais j’en doute.

>>> 1992

— Je lance toujours les épines en avant, de peur de trop paraître lancer les roses.

>>> 1991

— Nous sommes désormais si divinement humains que le péché mortel n’est pas d’avoir goûté au fruit de l’Arbre, mais bien plus le désintérêt culturel qu’une certaine société stéréotypée a délibérément forgé en abreuvant notre paresse cérébrale d’idéologies monstrueuses et faciles.

— Il est si nécessairement bon d’être utile au moins à soi-même.
Il est si nécessairement bon de se croire au moins utile à soi-même.

— La pensée est une fange où les idées sont des mains qui nous poussent un peux plus. On se débat, et la tête y passe, jusqu’à ce que l’orgie logique, où chaque paradoxe est un nouveau noeud qui nous étouffe, a raison de nous. Aussi faut-il agripper solidement la branche que l’on s’est toujours tenu en réserve. Pour peu qu’elle ne fût pas de bois mort...

— Suis-je un roc? Je n’en sais rien. Mais si je tiens à survivre, j’ai tout intérêt à demeurer au moins de glace.

— L’homme se berce d’illusion et le bonheur survient lorsqu’elles cessent d’en être.

— Au fond, qu’est-ce qu’un mythe, sinon une histoire décousue.

— L’éradication des effets n’engendre que rarement la chute des causes.

>>> 1990

— Je suis aveugle, je m’en aperçois de plus en plus clairement.

>>> 1989

— Il est grand temps de se dévouer à une cause perdue, car c’est à soit qu’on se dévoue.

— Je parle à des murs qui me répondent “ta gueule” de temps en temps.

— Comme il est vrai de se rendre compte que, partant de n’importe où, on peut toujours arriver n’importe où mais aussi où on veut. Reste alors à comprendre la légitimité du chemin.

>>> 1988

— L’amour est aveugle. Il est si aveugle qu’il ne se voit même pas.

— L’amour est une accoutumance constamment ivre d’amour.

— La nature de l’homme est d’être contraire à la nature des choses.

— L’argent, en soi, a peu de valeur. L’important est de se trouver du bon côté du billet.

— Sans raison de bonheur, sans raison de désespoir. Le vide.

— J’ai voulu découvrir le monde et je n’ai trouvé que moi. J’avais pourtant tout envisagé. Partant d’ailleurs, je me suis cherché et j’ai découvert le monde, peuplé d’une foule immense de solitudes.

>>> 1987

— Qui de vous n’a rien ne doit s’en remettre qu’à lui-même.

— Lors d’une fuite, il est déconseillé de mettre ses jambes à son cou: la chute est inévitable.

— Plus tu vas loin, plus tu te rapproches de ton but: comprendre ton départ.

— L’on ne possède pleinement que ce que l’on offre.

— Quoique tu fasses, ce ne sera jamais que ce que tu es capable de faire.

— Même sans toi, je serai seul.

— La mort est une finalité sans but.

— Dans le monde des rivières, seul le lit reste impassible quand la surface suit le gré du courant.

— Tu es l’épisode d’un éternel feuilleton.

— L’amour n’est que la continuation d’une longue amitié tacite et l’avènement d’un fin inexorable.

— L’amour est une manière élégante d'enfin clore l’amitié.

 
 

© 1987-2017 Thibaud Latour